Depuis que je sais lire, on me bassine à coups de
révolutions. Depuis que je nage dans les nouvelles technologies, on
tente de me noyer à coups d’annonces révolutionnaires. Voici un papier que je viens d'écrire pour Après La pub, le "Magazine qui cause de les faits" édité par Singapour dont le numéro de mai vient de sortir !
Ré-vo-lu-tion-naires.
Est-ce bien sérieux ? La nouvelle version de mon système
d’exploitation ? Ok, elle est tout à fait exceptionnelle, mais... Mon
nouveau téléphone mobile équipé de cette nouvelle technologie qui me
change ma vie. Dingue en effet, mais... Ce nouvel ordinateur de poche
qui détrône son concurrent. C’est évident, il fait tellement plus,
mais...
Mais ces pseudo-révolutions ne font que détrôner leurs prédécesseurs.
Elles n’ont donc rien de révolutions. Elle ne sont que des coups
d’Etat. Car des puissants remplacent d’autres puissants.
La révolution, c’est la prise du pouvoir par le peuple.
Le peuple a-t il demandé la mise à jour de son traitement de texte ? La
montée en puissance de son micro-processeur ? Hum hum...
Mai 2005, les prémices d'ne révolution
Une très grande marque de cosmétiques internationale
projette d’utiliser les blogs pour promouvoir un nouveau produit qui
permet de rendre la peau des femme plus belles. Le "Journal de ma peau"
voit donc le jour. Animé par une blogueuse qui fait part de ses
perceptions au jour la jour. Léger problèmes... La blogueuse en
question n’existe pas. Les perceptions face à ce produit...
révolutionnaire ne sont pas réelles mais rédigées par une équipe
marketing et son agence. Rien d’extraordinaire me direz-vous. Nous
voyons cela tous les jours dans les pages de nos magazines préférés,
dans les mailings que nous recevons dans nos boîtes aux lettres ou même
à longueur d’écrans publicitaires télévisés. Et personne ne s’en émeut.
Oui mais. Mais ici, nous sommes sur Internet. Dans cet espace
fourmillant que sont les blogs. Et sur un blog, se payer la tête des
consommateurs n’est pas bien vu. Pas bien vu du tout ! En l’espace de
quelques heures, quelques uns des blogueurs les plus influents trempent
leur souris dans le vitriol, aiguisent leurs claviers. Les réactions
sont terribles. Insultantes. Tant pour la pseudo blogueuse que pour
toute la chaîne de "production" qui se cache derrière - agence, équipe
marketing, marque produit et marque ombrelle.
Ces réactions - bien sûr - se répandent à la vitesse de la lumière
(normal pour des octets)... et arrivent aux oreilles du Président du
Groupe. Qui fait suspendre le blog. Qui convoque une réunion
extraordinaire. Pour comprendre ce qui se passe. Le message ? Sur
internet, on ne se paye pas la tête de ses consommateurs. Sinon, ils le
font savoir. Et gare aux dégâts. Message compris. Marche arrière, le
journal de ma peau réouvrira quelques jours plus tard, animé par de
"vraies" consommatrices.
Je ne pense pas que cet épisode aura affecté les
résultats du groupe L’Oréal en 2005. (Oups, j’ai cité la marque). Je ne
suis même pas persuadé qu’il aura eu des effets sur le lancement de
PeelMicroAbrasion - zut le nom du produit m’a échappé. J’imagine qu’il
aura fait quelques vagues dans les équipes de Vichy. La rapidité de la
réaction de Vichy et le soutien de quelques blogueurs - eux aussi
influents qui ont allumé un "contre-feu" ou apporté leurs conseils à
Vichy ont permis de corriger le tir en quelques jours.
Mais cet événement fera date dans l’histoire du
marketing moderne. Il permettra d’identifier l’avant et l’après
révolution du "marketing 2.0". La révolution qui va voir les
consommateurs prendre le pouvoir. Le pouvoir de s’exprimer avec la même
force que les marques. Le pouvoir de contrebalancer l’ordre établi. Et
à terme, de faire et défaire des succès.
Et qu’est ce que cela va changer pour les professionnels du marketing ?
J’allais dire "tout". Presque. Beaucoup de choses en tout cas. Dans le fond comme dans la forme
1. L’obligation d’une meilleure compréhension des attentes et
perceptions des consommateurs. Non seulement face aux produits, mais
aussi face aux messages délivrés.
2. L’évolution des discours de marque : plus de modestie, plus
d’objectivité, bref plus d’éthique dans les messages. A trop promettre,
on finit par agacer, on risque le retour de bâton. Halte aux
"révolutions", donc.
3. La modification des stratégies de communication : plus que jamais,
s’assurer le relais d’influenceurs va déterminer le succès des
lancements de produits ou services. Plus une jamais, les prescripteurs
vont se retrouver sur le devant de l’écran. La qualité et la subtilité
de la relation que les marques et leurs conseils sauront établir avec
ces communautés pourront tout changer, dans un sens, ou dans l’autre !
L’influence peut s’accompagner. Elle ne s’achète pas. Gare aux erreurs
de jugement !
2.0 kézako : petit lexique du "versionning"
Ceux qui sont nés avec une souris à la main ont rapidement réappris à compter :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, c’est trop simpliste.
Il se passe tellement de choses entre 1 et 2. Les éditeurs de logiciels
ont donc mis des trucs avant le début et après la virgule.
Petit lexique :
Un logiciel tout à fait bogué s’appelle ß (Beta). C’est plus chic. Et
une ß a le droit (le devoir) d’être boguée. J’ai choisi d’utiliser une
ß. A mes risques et périls. Mais moins qu’une "Alpha. Là pour le coup,
à moins d’être développeur, ça ne marche pas.
• 0.9.7.3 : cela fait tellement longtemps que l’on corrige les bugs de
la version ß que le terme ne signifie plus grand chose. On fait donc un
compte à rebours vers le 1.0.0. Mais à force de s’approcher du chiffre
fatidique... sans trouver de solutions, de nouvelles étapes s’imposent !
• 1 (ou 1.0) Enfin ! Mon logiciel est sur le marché (avec un nombre suffisamment acceptable d ’erreurs)
• 1.01 : = Je me suis empressé de corriger quelques erreurs tout à fait
impardonnables, merci de télécharger la nouvelle version au plus vite
• 1.1 : quelques nouvelles fonctions plus ou moins visibles sont
apparues. Génaralement accompagnées de nouveaux bugs, pour faire joli
(ou sérieux).
• 2.0 : Le logiciel que vous aviez entre les mains était tout à fait
obsolète. Il était devenu indispensable de le changer à l’instant.
Merci de passer à la caisse.
Petit exercice :
"Web 2.0" : [ouèb-deux-point-zéro] Après avoir essuyé les plâtres des
versions ß (1969 - 1996), le web a commencé à s’imposer auprès d’un
public tous les jours plus large (1996 -2006). Evolution après
évolution, il est sorti des mains des informaticiens (ceux qui savaient
L’UTILISER là ou M. toulemonde ne pouvait que le consulter) pour
devenir l’outil de tous, le Web 2.0. On oppose donc web et web 2.0
généralement en mettant en avant la participation active de
l’internaute - en comparaison avec le web 1.0 pour lequel l’internaute
n’était que spectateur. 1.0 : spectateur. 2.0 : acteur. On associe
souvent à ce mouvement l’apparition de nouvelles technologies rendant
le web plus fluide, plus ergonomique. La plus réputée : Ajax.
Par extension, n’importe quoi devient 2.0. Souvent l’occasion de dire
que c’est nouveau. Avec une touche de participation en plus. Ca fait
plus chic, non ?
A propos du pouvoir des internautes
En rapport direct avec ce sujet, même si l'approche est beaucoup plus large (donc intéressante), François-Xavier Hussherr, Cécile Hussherr et Marie-Estelle Carrasco viennent de publier LE NOUVEAU POUVOIR DES INTERNAUTES. Intéressant à plus d'un titre !
- Une analyse qui permet de prendre conscience des mutations incroyables que notre société vit actuellement.
- Un mode collaboratif novateur ! Le site www.nouveaupouvoir.org vous permet de modifier le livre en direct. Celui-ci sera réédité dans 69 jours (80 au lancement) en prenant compte de vos remarques. Dépéchez-vous d'y aller jeter un oeil !
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